(1/3) Rêve de bergère

Premier volet de notre série des Métiers Fromagers, la découverte du métier de berger, ou, dans ce cas, de bergère !

La Chèvrerie de la T.Au pied du Mont de l’Espinouse et après plusieurs kilomètres de piste entre champs et forêts, la Chèvrerie de la T. se découvre enfin.

C’est ici que sont fabriqués le Pradel, création exquise, le Palet de l’Espinouse, et le Murat de Montagne, fromages de chèvre au lait cru.

C’est le fief de Pauline, Yves et la petite Margot, et de leurs 60 chèvres Alpines.

C’est là le rêve de Pauline, maman de 28 ans et chevrière passionnée, qui nous raconte son métier.


Qu’est-ce qui vous a amenée à créer votre chèvrerie ?

« Nous ne sommes pas issus du milieu agricole. Nous n’avons donc pas hérité d’une ferme familiale, ni appris depuis

Yves, Margot et Pauline

l’enfance : il nous a fallu nous former, rechercher, et oser prendre le risque de s’installer. Mais c’était pour moi un rêve de toujours. A 3 ans, dans mon HLM, je jouais déjà à traire des vaches imaginaires ! Et puis ma rencontre avec Yves a tout déterminé : nous avions envie d’aventure, c’était soit la chèvrerie, soit le départ en bateau pour l’Argentine … »

Qu’aimez-vous dans le métier d’éleveur ?

« Le fait de travailler dans la nature, et qu’il s’agit d’un métier délicat où l’on perfectionne en permanence un savoir-faire. C’est passionnant ! Et dans ce métier, il est indispensable d’être passionné... C’est un métier à la fois simple et compliqué : il faut toujours être attentif aux bêtes, anticiper les changements climatiques, adapter tout son travail au quotidien, vérifier l’évolution du lait et des fromages plusieurs fois par jour… Cela demande une concentration et une endurance de fond, 9 mois dans l’année. C’est la période naturelle de lactation. Les chèvres sont en gestation les 3 mois restants, selon leur cycle naturel. Quand il pleut pendant 8 jours ou bien qu’il fait 35°C, nous devons travailler plus longtemps aux soins des animaux et des fromages, plus tôt, ou bien plus tard… Il n’est pas rare qu’on y soit encore à 23h ! Oui, il faut une curiosité, un amour à ce qu’on fait, 7 jours sur 7. »

Pourquoi les chèvres ?

« Il faut dire que, vues les lourdes contraintes économiques, c’est l’élevage le plus accessible. Et puis, surtout, c’est le « charme de la biquette » qui nous a touchés ! Elles sont très émotives, proches de l’homme, sensibles au stress comme aux caresses, vraiment attachantes : en fait, de vrais pots-de-colle ! (je confirme ! ndlr) La qualité de leur lait, et donc du fromage qu’on en fait, dépend directement de leur bien-être. Et du bien-être de l’éleveur bien-sûr.. »

Comment s’organise votre vie de famille ?

Le troupeau

« En fonction de la chèvrerie. Nous ne sommes que tous les 2 à l’exploitation. Et depuis que Margot est née il y a 10 mois, il a fallu réorganiser notre travail… Le schéma traditionnel veut que l’homme travaille aux bêtes, et la femme à la fromagerie. Et le taux de divorces est incroyablement élevé dans ce métier ! Les deux premières années ont été un peu difficiles, et puis nous nous sommes adaptés à l’autre, dans le respect de son rythme et de ses méthodes.
Nous avons décidé que nous aurions tous les deux les deux casquettes, et nous changeons selon notre humeur. On se dispute souvent le plaisir de garder les chèvres ! (promenade de 2 et 6h, ndlr…) »

Comment se déroule une journée ?

« Une journée-type n’existe pas ! Mais, en général : levée à 6h, je pars au moulage jusqu’à 7h30, pendant qu’Yves prend soin de Margot. Puis je prends le relais, et Yves s’occupe des soins aux animaux et de la traite. Contrairement à la grande majorité de nos confrères, nous ne faisons qu’une seule traite par jour : nous nous sommes aperçus que ça n’altère en rien la qualité du lait, et cela nous permet d’organiser notre travail et notre vie de famille un peu plus confortablement. Nous ne sommes pas dans une logique de production massive : bien au contraire ! Nos chèvres ne font en moyenne que 3 litres de lait par jour. Nous sommes deux, et notre objectif est d’éviter le gaspillage, en recherchant un lait équilibré, de qualité. Vers 10h, je retourne en fromagerie : c’est le démoulage, le salage, retourner les fromages, etc… Pendant ce temps, Yves, avec

Les chevreaux au repos

Margot sur son dos, va garder les chèvres dans nos landes, prairies et bois autour de la chèvrerie. Elles peuvent alors se nourrir de genêt, bruyère, de ronces et de feuilles de hêtre, dont elles raffolent ! Vers 15h, les chèvres sont rentrées : c’est le moment où elles ont besoin de calme, de repos, et de « ruminer » éventuellement. Jusqu’à 17h, nous faisons tous les travaux en extérieur : vérifier les clôtures, réparer, nettoyer, etc. Puis, de nouveau, nous allons garder les chèvres, jusqu’à la nuit tombée. Enfin, selon l’alimentation qu’elles ont trouvé en extérieur, on les nourrit de foin, de maïs, tournesol et orge, garantis sans OGM. A 20h, c’est le moment des finalisations en fromagerie. La fin de la journée de travail est très variable : de 21h à …. »

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Fromages au moulage

« L’avenir ? Le secteur est assez incertain, il faut l’avouer. Nous fabriquons actuellement 4 fromages lactiques, avec une méthode d’ensemencement qui a la particularité d’être à base de levain naturel. Nous espérons obtenir bientôt un nouvel agrément, qui nous permettrait de produire un nouveau type de fromage. De telles demandes sont longues et fastidieuses… Ensuite, travailler les réseaux de distribution : dans un terroir isolé comme le nôtre, il est difficile de vendre toute notre production, surtout au pays de la brebis, où la culture du Roquefort règne en maître. L’idéal pour nous serait de pouvoir embaucher, bien-sûr… Mais dans l’immédiat, il s’agit surtout de sensibiliser les consommateurs à la valeur des produits fermiers et artisanaux, on travaille à la reconnaissance du fromage fermier, au lait cru, et des méthodes artisanales. Nos chèvres paissent la végétation du terroir, des céréales garantis sans OGM et du foin AOC, leur reproduction se fait par « monte naturelle » (pas d’insémination artificielle, ndlr), les périodes naturelles de gestation sont respectées… C’est la Nature qui dirige et règle tout notre cycle de production. Et nous sommes certains que c’est là la garantie d’un produit de qualité. »

Un grand merci à Pauline, Yves et Margot pour leur accueil chaleureux, leur persévérance et leur fantaisie…. Et leur fromage délicieux !

Propos recueillis par Maya Marin, le 26/09/2006.

Prochains volets : "Fabricant Fromager" (2/3) et "Affineur Alchimiste"(3/3)


En savoir plus sur les fromages de ce producteur :

le Pradel, le Palet de l’Espinouse, et le Murat de Montagne

Haut