L’EDITO DE XAVIER :
DU FROMAGE DE FROMAGES !!
Bougre, dans nos campagnes on ne laisse rien perdre !
Pour faire un fromage quel qu’il soit, on a recours à du lait dont on va chercher, soit par fermentation, soit sous l’action de chaleur ou d’enzymes coagulantes, à « précipiter » certains composants, dont les plus gros sont ceux de la caséine. On obtient alors une masse flasque, ni solide ni liquide, dit caillé, étape première en fromagerie.
C’est la base habituelle de nos fromages.
Mais il existe d’autres fromages, plus confidentiels, souvent réservés anciennement aux producteurs eux-mêmes, qui relèvent souvent de l’art de valoriser les restes ! Si le fromage est « le biscuit de l’ivrogne » d’après Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, ces fromages qui nous intéressent aujourd’hui sont parfois appelés la « viande du pauvre » ; ils servaient à « faire manger du pain » pour avoir le ventre plein !
Dans de nombreux cas leur origine tient à la recherche de vouloir donner une nouvelle vie à un fromage raté, à un reste domestique, à un fromage victime d’une évolution malheureuse, à valoriser un sous-produit de la fromagerie. Ainsi le plus connu est un fromage fondu, la « crème de gruyère » et sa fameuse « vache qui rit », obtenu par la « fonte » des fromages déclassés de l’est de la France.
Ainsi chaque région a développé un savoir faire spécifique. On rencontre ainsi :
- Les « fromages forts », forts au nez et en bouche ! c’est tout un voyage aux pays des senteurs et des saveurs ! Nombreux en Rhône-Alpes, ils se tartinent comme le « Tracle » en Bugey, la « pétafine » en Dauphiné, le « Foudjou » dans la Drôme, ou la « cachaille » en Provence ou « cacheille » vers Marseille, dite aussi « brous » en pays Niçois !
Il s’agit de fromages du pays, broyés, additionnés d’ingrédients divers : des herbes, de l’eau de vie, du vinaigre, du bouillon de poireau, des épices, de l’ail, de la crème…et mis à fermenter en pots que l’on réapprovisionne en veillant à ne jamais les vider entièrement de leur contenu, pour obtenir une pâte facile à tartiner… !
Le « pourri bressan » sera lui couvert de cendre de bois, ailleurs on utilisera des feuilles de cerisier !
- Les fromages à base de babeurre pur comme le « sarasson » ou « sarassou » en Ardèche, dit aussi « barraton » dans la plaine du Forez ; C’est en fait un fromage blanc battu et lissé obtenu par la coagulation de l’albumine résiduelle contenue dans le petit lait du beurre…On le consomme avec des oignons et des herbes fines !
- Les fromages réalisés à partir d’une production régionale mais travaillés spécifiquement : la « boulette d’Avesnes », obtenue d’un Maroilles blanc, passé en saumure, associé à du fromage maigre, poivré, puis moulé à la main en « boule » avant d’être enrobé de paprika et d’une chapelure… Nombreux sont ceux qui, à son approche, ont un petit mouvement de recul, vite oublié à sa dégustation ! Son cousin, le « fromage fort de Béthune », sera issu lui d’un Maroilles plus avancé, associé à d’autres épices et mis à fermenter. Rien de tel pour vous réveiller le matin !
- Sans oublier la « cancoillotte » de Franche-Comté ou le « Ramequin de Saint Rambert » qui procèdent de fabrications compliquées où l’on fait sécher le premier caillé pour le réhumidifier par la suite avant de le faire fondre ! Quelle alchimie !!!! Ceux-ci se consomment aussi bien chauds, filants alors, que frais, à la pâte retenue pour accommoder des mets variés.
Et tant d’autres qui se nichent dans la chaleur des chaumières…
Voici donc un reflet saisissant de notre univers fromager souvent mal connu, réservé jadis aux ouvriers, mineurs et autres bouches à nourrir ! Mais que de goût, de senteurs, de puissance au bout du couteau !
Si vous êtes invités à partager de tels fromages par les producteurs, alors sûrement que l’on vous compte en Amis !
Xavier
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